Chaque année l’Erdre se pare d’une couleur verte, avec des zones bleues turquoises sur les bords de la rivière. C’est le témoignage le plus visible de l’apparition annuelle des cyanobactéries (micro-organisme potentiellement toxique) ayant une fâcheuse tendance à proliférer avec la chaleur. De plus, la présence en excès de phosphore dans l’Erdre entraîne un phénomène d’eutrophisation, déséquilibre du milieu aquatique résultant d’un apport excessif en nutriments, favorisant ces micro-organismes.
Afin d’assurer la sécurité des usagers de la rivière, les communes riveraines prennent des arrêtés de gestion conformément aux directives du ministère de la santé, qui lui fixe le cadre général.
Que sont les cyanobactéries ?
Une algue potentiellement toxique
Les cyanobactéries, appelées également « algues bleues », sont des micro-organismes entre algues et bactéries. Elles sont présentes sur la totalité du globe et s’adaptent facilement à leur environnement.
Les algues bleues ont tendance à se développer en surnombre sur l’Erdre car c’est une rivière très riche en nutriments (phosphore essentiellement). Appelé eutrophisation, ce phénomène entraîne le surdéveloppement des algues bleues. Certaines espèces sont potentiellement toxiques et peuvent avoir des effets nocifs sur la santé.
Leur présence n’est pas systématiquement détectable à l’oeil nu. L’homme peut être exposé aux risques liés aux cyanobactéries par contact avec la peau et les yeux lors des activités de loisirs ou lors d’ingestion d’une eau contaminée. La chaleur favorisant son développement, les risques sont plus importants en période estivale.
Actuellement, la prolifération excessive de cyanobactéries débute dès le printemps et implique un risque permanent pendant plusieurs mois nécessitant des précautions d’hygiène. Fort heureusement, le danger reste modéré et n’implique pas forcément d’interdiction d’usage. Un observatoire sanitaire est en place sur l’Erdre et permet de connaitre les mesures à prendre. N’oubliez pas de le consulter avant d’aller naviguer.
L’eutrophisation
Le phénomène d’eutrophisation est à l’origine du surdéveloppement des cyanobactéries. C’est un déséquilibre du milieu aquatique résultant d’un apport excessif en nutriments comme l’azote et surtout le phosphore sur l’Erdre. Il provient à la fois du monde urbain avec un assainissement en cours de viabilisation, ainsi que du monde agricole avec la fertilisation, l’érosion du sol et le ruissellement.
Eutrophisation
Qu’est-ce que l’eutrophisation d’une rivière ?
L’eutrophisation est un enrichissement des milieux aquatiques en éléments nutritifs (azote et phosphore essentiellement) qui constituent de véritables engrais pour les plantes (macrophytes) et pour certains microorganismes (micro-algues et cyanobactéries) aquatiques. Ces apports excessifs en nutriments constituent une pollution nutritionnelle des milieux. Lorsque les paramètres climatiques (température élevée) et hydrodynamiques (colonne d’eau très stable) sont favorables, certaines espèces peuvent atteindre en quelques jours des biomasses importantes et perturber considérablement le fonctionnement des écosystèmes aquatiques victimes de l’eutrophisation.
L’ERDRE, rivière à écoulement très lent, bien ensoleillée et enrichie en nutriments, présente donc toutes les conditions favorables aux proliférations algales, notamment à celles qui s’accumulent en surface comme les cyanobactéries.
Parmi les micro-organismes susceptibles de proliférer, les cyanobactéries constituent un groupe qui pose des problèmes spécifiques en liaison avec leur capacité à produire diverses toxines.
D’où viennent les excès de nutriments présents dans l’Erdre ?
Les apports en nutriment dans l’ERDRE proviennent de deux sources distinctes :
1- Le monde urbain et son assainissement insuffisant.
2- Le monde rural avec d’une part ses terres agricoles et la fertilisation actuelle et passée (y compris les rejets des bâtiments d’élevage) et d’autre part son bassin versant soumis au ruissellement excessif (réseau de transfert rapide : fossés, rus, drains, etc.)
Sur les bassins versants amont, les flux en azote et phosphore sont dominés par les apports du monde rural. Sur l’aval du bassin, les flux en azote proviennent essentiellement du monde rural tandis qu’en phosphore la répartition est moins tranchée. Sur deux bassins versants, le phosphore issu de l’assainissement est prédominant (Amont de l’Erdre Navigable et Agglomération Nantaise).
> Voir la carte.
Les apports en phosphore issus du monde rural sont essentiellement transmis au milieu naturel en période hivernale par le biais du réseau de transfert (fossés, drains, rus, etc.) et la présence de sols cultivés nus ou en début de reprise.
Les apports en phosphore du monde urbain sont la part nutritive prédominante en période estivale puisque le ruissellement et l’écoulement de la rivière sont très limités.
Étant donné les quantités de phosphore exogènes observées, les apports en phosphore par les vases (relargage interne) ont actuellement une part infime de responsabilité dans les blooms cyanobactériens et ce n’est pas sur cet émetteur qu’il faut agir en priorité pour l’instant. Cependant dans des secteurs privilégiés de dépôt, la vase en relarguant peut servir de moteur au développement des cyanobactéries.
L’Erdre : une rivière sous surveillance
La « plus belle rivière de France » est aussi un espace fragile, où les collectivités locales tentent de concilier la protection de l’environnement, l’agriculture, l’urbanisme et les loisirs. La qualité de ses eaux est surveillée régulièrement par l’EDENN, un syndicat mixte à vocation scientifique, qui cherche des solutions pour limiter la pollution de l’Erdre.
Apparition
Les mécanismes d’apparition des cyanobactéries sur l’Erdre
Qualité physico-chimique de l’Erdre
Après avoir déterminé les principales sources d’apports en nutriments dans la rivière, un suivi détaillé de l’Erdre sur l’année 2003 a permis de caractériser la qualité physico-chimique de la rivière et les dynamiques de développement des algues.
Malgré les conditions météorologiques exceptionnelles durant l’été (fortes températures, faibles précipitations, faibles amplitudes thermiques, absence de vents…), les campagnes de mesures ont permis d’observer que l’Erdre est composée de plusieurs microsystèmes évoluant différemment. Des disparités marquées entre les peuplements des différents sites de la rivière ont été constatées dès le printemps.
Les principales différences sont observées au niveau :
du régime hydraulique (circulation plus ou moins marquée, marais…) ;
de la composition du peuplement phytoplanctonique et zooplanctonique ;
de l’importance du peuplement.
Durant la période d’ouverture de l’écluse Saint-Félix (période hivernale), le peuplement algal est assez similaire d’un site à l’autre.
À partir de la fermeture de l’écluse Saint-Félix, de grandes disparités sont observées d’un site à l’autre.
Le Port de Nort-sur-Erdre est caractérisé par une grande diversité biologique. Dans ce système, le peuplement algal varie au cours de la saison, au gré des changements de débits, de charge nutritive. Plusieurs successions algales sont observées au cours d’une année ; le printemps est pauvre en algues et les cyanobactéries ne parviennent à dominer que très tardivement dans l’année.
Le canal de Nantes à Brest présente un peuplement d’une qualité biologique moyenne. Sa dynamique est différente de celle de l’Erdre. Il est pauvre en cyanobactéries et présente les caractéristiques des milieux stagnants bien éclairés.
L’aval de l’Erdre navigable, de Sucé-sur-Erdre à Nantes, est dominé exclusivement par les cyanobactéries, tout au long de la saison.
Tous les milieux prospectés, de l’étang du Clos à Candé (proche de la source de l’Erdre) à l’écluse Saint-Félix à Nantes, contiennent des cyanobactéries. Sur les sites amont, la production reste faible. Les teneurs en micro-cystines sont restées très faibles. Les genres prédominants de cyanobactéries observés en 2003 : Planktothrix et Aphanizomenon, sont potentiellement producteurs de toxines. On note que ceux observés en 2003 n’en ont pas produit.
Durant l’été 2003, en raison de l’absence de précipitations, le peuplement algal n’a pas bénéficié d’apports de nutriments liés aux temps de pluie et s’est donc développé avec le stock nutrimentaire disponible dans l’Erdre.
Expérimentation en laboratoire
Au sein du consortium chargé du projet, le Centre de Compétence des Eaux de Berlin (KWB), a réalisé en coopération avec l’Agence Fédérale de l’Environnement (UBA), spécialiste international des cyanobactéries, des travaux de recherche en laboratoire sur l’espèce Planktothrix agardhii, prédominante dans l’Erdre, et la microcystine (toxine associée).
L’objectif était de déterminer l’influence des facteurs-clés tels que les nutriments (azote, phosphore), la lumière, l’écoulement et les sédiments sur la croissance des cyanobactéries ainsi que le rejet de micro-cystine par la population de Planktothrix agardhii de l’Erdre, à l’aide d’expériences et des sources bibliographiques disponibles.
Les résultats des cultures en laboratoire et des investigations bibliographiques permettent de tirer les conclusions suivantes :
Des conditions limitées en nutriments (azote et phosphore) peuvent favoriser la prédominance de certaines cyanobactéries, susceptibles de libérer des toxines ;
Cependant, la limitation globale de la biomasse (quantité d’algues) consécutive à la réduction des nutriments permet de réduire de manière significative les quantités de toxines libérées.
La limitation de l’éclairement modifie le contenu en micro-cystine de Planktothrix agardhii au plus d’un facteur 2-3.
Le recyclage interne de nutriments en provenance des sédiments est par ailleurs globalement négligeable face aux apports exogènes.
Des expériences de culture dans un système de rivière artificielle ont montré que la vitesse d’écoulement n’a pas d’impact significatif sur la croissance de Planktothrix et le relargage de micro-cystine.
Les fortes capacités d’absorption des sédiments de l’Erdre analysés permettent d’écarter le risque potentiel de relargage de micro-cystine en provenance des vases.
> Ces observations ont servi de cadre scientifique pour comprendre le fonctionnement de l’Erdre vis à vis de la problématique des cyanobactéries.
Etude sur l'Erdre
Face à ce problème de santé publique et souhaitant conserver à la rivière son caractère de base de sports et de loisirs, fondamental pour l’agglomération Nantaise et ses environs, le Syndicat Mixte Entente pour le Développement de l’Erdre Navigable (EDEN) soutenu notamment par l’Agence de l’Eau, le Conseil Général, le Conseil Régional et la Direction Régionale de l’Environnement, a décidé de lancer, en 2002, une étude approfondie à caractère technique et scientifique. Elle avait d’une part comme objectif de mieux comprendre les mécanismes d’apparition et de développement des cyanobactéries et d’autre part de trouver des moyens pour les combattre. En effet, devant les nombreux préjugés et les diverses solutions envisagées, notamment le dévasage de l’Erdre navigable, les acteurs politiques locaux ont choisi de mener cette étude afin de réaliser une politique efficace et durable pour limiter les cyanobactéries.
La réflexion centrée initialement sur l’Erdre navigable a été élargie à l’ensemble du bassin
versant de l’Erdre afin d’avoir une vision globale sur la problématique des cyanobactéries.
Elle s’est articulée autour de trois axes :
Etude des apports endogènes et exogènes (phosphore et azote) ;
Etude sur le développement des cyanobactéries ;
Etude des toxines liées aux cyanobactéries.
Cette étude a contribué à la mise en place d’un observatoire scientifique, toujours en place aujourd’hui.
Une étude a été réalisée en 2020 pour étudier les données de l’observatoire scientifique bancarisées jusqu’à aujourd’hui. Cette étude est disponible ci-dessous.
Depuis 2004, l’étang de Vioreau à Joué/Erdre, connaît régulièrement des blooms estivaux de cyanobactéries qui ont provoqués, en 2011, la fermeture administrative de la plage pour des raisons sanitaires. Par ailleurs, ces blooms provoqués par la dégradation de la qualité de l’eau nuisent au bon état de la conservation des habitats naturels des grèves du plan d’eau.
En 2015, l’EDENN s’était engagé dans une étude ciblée sur l’eutrophisation de l’étang afin d’affiner les connaissances sur son fonctionnement hydro-biologique. ce diagnostic a permis d’identifier les causes de la présence de cyanobactéries en forte concentration, intégrant le poids des apports hydriques et sédimentaires à l’échelle de son bassin versant. L’ensemble des résultats du diagnostic a abouti à l’élaboration, en 2017, d’un plan d’actions hiérarchisées pour tenter de limiter le risque sanitaire liés aux cyanobactéries.
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